Le cycle de vie des chrysomèles
Les deux espèces hivernent dans le sol sous forme d’adultes, généralement là où leurs plantes hôtes étaient l’année précédent (donc, dans le potager) mais aussi parfois à l’orée d’une forêt proche. Elles se réveillent quand le sol commence à se réchauffer, généralement vers la mi-mai dans le sud du Québec et vers la fin de mai ailleurs. Comme les jardiniers ne plantent pas des cucurbitacées si tôt dans la saison, elles se nourrissent temporairement d’autres végétaux (généralement sans faire de dégâts notables) puis volent vers leurs proies préférées dès qu’elles en détectent l’odeur.
Vers la fin de juin, les chrysomèles commencent à s’accoupler, puis pondent des œufs au sol ou dans les déchets au sol, généralement dans les environs de plantes de cucurbitacées dans le cas de la chrysomèle rayée. La chrysomèle maculée, quant à elle, part déposer ses œufs sur des graminées et d’autres végétaux dans les environs, notamment le maïs. Les larves se nourrissent de racines et de tiges, et parfois des fruits trop mûrs qui touchent au sol, sans nécessairement causer des dégâts très notables puis, après une courte pupaison, se métamorphosent en adultes et le cycle recommence. Il y a généralement 2 générations par été.
Comment les contrôler
Quand l’infestation est déjà en cours, on peut ramasser les chrysomèles manuellement (il faut sortir tôt le matin, car les chrysomèles se cachent le jour) et les déposer dans un seau d’eau savonneuse. On peut aussi les ramasser avec un aspirateur portatif ou vaporiser avec un savon insecticide (le savon noir de Marseille) et le pyrèthre; un mélange des deux (comme End-All) peuvent aussi être utile. Les vaporisations à l’ail auraient aussi une certaine efficacité.
Prévention
Il est plus facile de prévenir les chrysomèles du concombre que de les réprimer.
La méthode la plus efficace est de couvrir les plantes ou les semis au printemps avec une couverture flottante (voile anti-insectes). Pour que cela soit efficace, il faut évidemment faire une rotation de cultures, semant ou repiquant les cucurbitacées dans un lieu où elles ne poussaient pas l’année précédente. Sinon les adultes, en émergeant du sol au printemps, se trouveront prisonniers sous la couverture flottante avec une abondance de semis à croquer!
Quand les concombres, melons, courges, etc. commencent à fleurir, enlevez la couverture le jour pour donner accès aux fleurs aux insectes pollinisateurs. À ce stade, les chrysomèles adultes du secteur seront soit mortes affamées soit parties ailleurs. Il peut y avoir un certain retour d’adultes d’autres jardins à ce stade, mais la population sera habituellement très faible et il ne devrait pas y avoir trop de dégâts.
Une autre méthode de prévention consiste à planter des plantes pièges. Tôt au printemps, une ou deux semaines avant de repiquer ou de semer vos courges, concombres ou melons, placer de jeunes plants de concombre ou de courge au jardin pour attirer les adultes, puis détruire en les faisant tomber dans l’eau savonneuse.
On note aussi que les infestations sont moins sévères dans les jardins dont le sol est paillé, surtout quand le paillis est épais. Les adultes semblent préférer un sol dégagé pour pondre leurs œufs. Aussi la présence d’insectes prédateurs bénéfiques sous le paillis (les carabes, surtout, sont des voraces prédateurs des chrysomèles) peut aussi expliquer en partie l’efficacité des paillis à réduire le nombre de chrysomèles.
Aussi, la polyculture, c’est-à-dire de mélanger les plants de cucurbitacées avec d’autres légumes, plutôt que de les planter en rang ou en monoculture, aiderait aussi à faire baisser la population.
L’utilisation de pièges jaunes collants, placés près des cucurbitacées en début de saison, peut aussi aider. Les adultes sont attirées par la couleur jaune et atterrissent sur les pièges où elles restent collées. Ce traitement est surtout efficace en début de saison, pour attraper les adultes au moment où elles émergent du sol.
Il existe aussi des pièges aux phéromones conçus spécifiquement pour attraper les chrysomèles, mais ils ne sont pas habituellement disponibles dans les jardineries. On peut toutefois les faire venir d’un fournisseur de produits biologiques contre les insectes comme Nic Natural Insect Control. On les combine avec un piège collant jaune et, comme pour le piège collant, il faut les installer en début de saison.
Insecticide à base d’ail
Voici un insecticide maison facile à fabriquer et relativement efficace.
Ajoutez une gousse d’ail et deux tasses d’eau à un mélangeur et faites-le fonctionner à haute vitesse jusqu’à ce que l’ail soit réduit en purée. Versez le liquide dans un plat, recouvrez et laissez reposer une journée. Passez-le à travers d’une étamine (coton à fromage) ou un tamis pour enlever la pulpe. Mélangez la solution dans 4 litres d’eau, ajoutez-y une cuillerée de savon-insecticide pour en améliorer l’adhésion. Puis vaporisez sur les plantes infestées de chrysomèles, pucerons, aleurodes, ou autres insectes.
Attention: cet insecticide n’a aucun effet résiduel ou préventif: il doit toucher l’insecte pour être efficace
Paillis
Appliquer une couche de paillis de 5 à 7 cm coupera la lumière du soleil dont les graines des mauvaises herbes ont besoin pour germer. Et celles qui parviendront à germer malgré cela étoufferont sous le poids du paillis.
Herbicides à base de fer
Un nombre limité d’herbicides à base de fer (surtout du FeHEDTA) a été approuvé par l’Agence américaine de protection de l’environnement. Les mauvaises herbes à feuilles larges absorbent le fer plus facilement et en plus grande quantité que les graminées de votre pelouse. Le fer s’oxyde et tue les mauvaises herbes quelques heures seulement après son application.
Suppression manuelle des mauvaises herbes
Déterrer manuellement les mauvaises herbes par la racine peut être le moyen le plus efficace de s’en débarrasser. C’est aussi le plus laborieux.
Alternatives écologiques au Roundup
Plusieurs marques d’herbicides biologiques sont disponibles aux États-Unis. La plupart utilisent des huiles ou des acides naturels pour tuer les mauvaises herbes. Ces produits agissent généralement sur les mauvaises herbes après leur germination. Cependant, ils ne sont généralement pas efficaces contre les mauvaises herbes vivaces.
Savon herbicide
Les alternatives biologiques au Roundup incluent les savons herbicides qui utilisent des acides gras pour tuer les mauvaises herbes et aussi le vinaigre industriel, qui contient des niveaux d’acide acétique beaucoup plus élevés que le vinaigre que vous utilisez dans votre cuisine. Les herbicides à base d’acide brûlent certaines jeunes mauvaises herbes.
Le gluten de maïs
Le gluten de maïs bio (sans glyphosate) peut tuer les graminées adventices et les mauvaises herbes à feuilles larges en empêchant leurs graines de germer. Pour l’utiliser, étalez 10 kg pour chaque 100 m² de jardin. Attendez cinq jours pour arroser la zone s’il n’a pas plu. Le gluten peut empêcher la germination des mauvaises herbes jusqu’à six semaines.
Les autres herbicides biologiques sont plus efficaces lorsque les mauvaises herbes sont encore petites et moins efficaces lorsque les mauvaises herbes atteignent une certaine maturité, selon une étude de la Division de l’Agriculture et des Ressources naturelles de l’Université de Californie.
L’étude a révélé que les désherbants biologiques avaient une efficacité de 60 à 100% s’ils étaient utilisés en grande quantité contre certaines mauvaises herbes avant qu’elles aient l’âge de 12 jours. Mais ils étaient efficaces à moins de 40 % s’ils étaient utilisés sur les mauvaises herbes à feuilles larges après 26 jours.
Ils étaient aussi chers pour une utilisation à grande échelle, coûtant de 400$ à 600$ l’acre en 2010. Ils étaient également plus coûteux que d’arracher les mauvaises herbes à la main.
Recette maison pour une alternative au glyphosate
Vous pouvez concocter une alternative en utilisant des ingrédients ménagers faciles à trouver. Internet regorge de formules que vous pouvez faire à la maison, mais vous devez être prudents. Même des mélanges apparemment sécuritaires ou biologiques peuvent tuer les plantes que vous souhaitez protéger, endommager votre sol ou vous faire du mal.
Recette d’herbicide maison à base de vinaigre
Des chercheurs de l’Université d’État du Dakota du Nord ont testé une formule d’herbicide maison à base de vinaigre, de sel et de savon en 2014. Ils ont découvert qu’elle était efficace pour tuer les jeunes mauvaises herbes annuelles. Cela n’a pas très bien fonctionné sur les grandes mauvaises herbes annuelles ni sur les espèces vivaces.
Le mélange fait maison, utilisant des ingrédients de marque de magasin, coûtait moins de 3$ le gallon. Cela le rend pratique pour l’utilisation domestique contre certaines mauvaises herbes.
Notez que ce mélange est toxique pour les humains et les animaux en cas d’ingestion. Sur la base de tests sur des animaux, les chercheurs ont estimé qu’un gallon de mélange de sel et de vinaigre était près de 10 fois plus toxique que les formulations courantes de glyphosate contre lequel ils l’avaient testé. Il doit donc être rangé loin des enfants et des animaux domestiques.
Vous devez également savoir que le vinaigre peut contenir du glyphosate. C’est parce que la plupart du vinaigre produit aux États-Unis est fait avec du maïs et que la plupart du maïs dans ce pays est cultivé à partir de semences Roundup Ready. Ce sont des cultures génétiquement modifiées.
« Comme résultat, le vinaigre que vous utilisez pour vaporiser vos mauvaises herbes est probablement fabriqué à partir de maïs qui a été traité avec du glyphosate: l’herbicide même que vous essayiez d’éviter », ont noté les chercheurs de l’Université d’État du Dakota du Nord. Assurez-vous donc d’utiliser du vinaigre certifié biologique.
Techniques agricoles alternatives – La rotation des cultures
La rotation des cultures — alterner des cultures différentes sur la même parcelle d’une année à l’autre dans un ordre spécifique — peut briser les cycles de croissance et de reproduction des mauvaises herbes.
La culture de plantes de couverture[1] qui protègent et enrichissent le sol pendant la rotation aide également.
La rotation des cultures est l’un des moyens les plus anciens et les plus efficaces de lutter contre les mauvaises herbes dans les fermes.
[1] Une plante de couverture est une espèce végétale qui est plantée afin de contrôler l’érosion, la fertilité du sol, les mauvaises herbes et/ou les pestes, et ce faisant réduire le recours aux herbicides et pesticides.
Les différents types de plantes de couverture :
Famille des légumineuses : le trèfle blanc ou rouge, la vesce ;
Famille des graminées : la Ray-grass, le seigle;
Famille des crucifères : le radis fourrager, la moutarde ;
Famille des hydrophyllacées : la phacélie ;
Famille des polygonacées : le sarrasin.
Vous devez bien vous demander pourquoi on voudrait faire cela… Les plantes sauvages sont disponibles un peu partout et il ne suffit que de les trouver.
Il y a pourtant quelques raisons qui me viennent à l’esprit : dans le contexte actuel où se nourrir coûte de plus en plus cher, trouver des plantes sauvages vivaces (ou qui se ressèment sans efforts) comme alternative à nos plantes annuelles du potager peut s’avérer un choix abordable. On peut même aller chercher le plant dans la nature dès le départ si nous avons un endroit accessible : on parle ici d’un coût zéro pour plusieurs années de récoltes! Il faut se rappeler que les plantes sauvages, indigènes (ou échappées de culture qui se sont acclimatées à nos régions) sont bien adaptées à nos conditions et produisent facilement. Vous pouvez être certains que ces vivaces grossiront d’années en années et vous pourrez même en donner à votre entourage éventuellement, pour qu’eux aussi en profitent… quelle abondance!
Certaines de nos plantes sauvages n’ont également rien à envier à nos plantes de culture ou bien certains végétaux d’importation que nous consommons comme « super aliment ». Elles méritent donc une place de choix dans nos assiettes.
Également, il peut parfois être difficile, pour les citadins, d’avoir accès à des terrains de cueillette adéquats s’ils ne sont pas propriétaires ou même, s’ils n’ont pas de véhicule. De là l’intérêt d’avoir ces plantes sauvages près de chez soi, dans notre potager urbain.
Finalement, si l’utilisation médicinales de nos plantes sauvages vous intéresse, il peut être judicieux de faire pousser soi-même une partie de sa pharmacopée au jardin.
Voici quelques exemples de plantes sauvages qui pourraient avoir une place de choix dans votre potager.
Asclépiade
L’asclépiade est bien connue au Québec, et on l’associe au magnifique papillon monarque. Ne vous inquiétez pas : vous pouvez la consommer sans remords; l’asclépiade est abondante et le papillon monarque butine à d’autres fleurs que celles de l’asclépiade. C’est plutôt que la femelle pond ses œufs exclusivement sur l’asclépiade et les bébés chenilles se nourriront de ses feuilles jusqu’à ce qu’elles deviennent de beaux papillons. ATTENTION cependant : le liquide blanc présent à l’intérieur des différentes parties de la plante est toxique. Il est impératif de traiter tout ce que l’on veut consommer à l’eau car, heureusement, cette sève est hydrosoluble.
Pousses: En règle générale, le moment le plus propice pour les cueillir est le début de juin, avant que la feuillaison commence. On peut les cuisiner comme des asperges.
Pour se débarrasser de la sève toxique, faites tremper 24 heures au réfrigérateur et cuisez les 3 minutes dans 2 eaux.
Boutons floraux : Regroupées en boules, les boutons floraux peuvent se cuisiner comme du brocoli.
Utilisez la même méthode que pour les pousses pour pouvoir les cuisiner.
Fruits : Les « petits cochons » de notre enfance sont comestibles! Il faut cependant les cueillir petits, car la soie qui s’y développe n’est pas très intéressante en bouche… On peut les manger comme légumes d’accompagnement, ou même les mariner comme des cornichons.
Comme ils sont moins fragiles que les autres parties de la plante, vous pouvez les nettoyez en les brassant vigoureusement dans l’eau. Répétez 4 fois en changeant l’eau; elle deviendra laiteuse. Faites ensuite tremper au moins 24 heures dans de l’eau au réfrigérateur. Blanchissez-les 3 minutes, rincez à l’eau froide et apprêtez selon la recette désirée.
Hémérocalle fauve
Je n’aurais jamais soupçonné que cette fleur magnifique représentait un garde-manger incroyable! Plusieurs savent que la fleur est comestible, mais saviez-vous que l’on peut manger les pousses, les boutons floraux et les tubercules? Il n’y a pas de précautions particulières à prendre.
Tubercules : Ils peuvent être cueillis du printemps à l’automne; vous aurez besoin d’une pelle ou d’une truelle robuste. En déterrant une motte d’hémérocalles, vous verrez plusieurs petits tubercules au bout des rhizomes; vous n’avez qu’à les sectionner avec un couteau. Si vous en laissez assez, vous pouvez replanter votre motte : une excellente manière de conserver votre ressource.
Cuisinez-les comme des petites patates.
Pousses : On appelle souvent les pousses d’hémérocalles « poireau d’hémérocalle », car leur forme est similaire et on peut les traiter de la même manière. On peut les servir crues, cuites vapeur, blanchies, sautées… c’est selon votre envie du moment!
Étamines : Les étamines de l’hémérocalle fauve ont une couleur vibrante; faites-les sécher et vous aurez ainsi un « safran québécois »! Ce ne sera pas très goûteux, mais cela donnera une teinte sans pareille à vos riz, desserts, etc.
Ortie dioïque
L’ortie… plusieurs d’entre nous ne sommes pas particulièrement contents de la rencontrer dans notre jardin. Elle est cependant une plante exceptionnelle qui gagnerait à être intégrée à notre alimentation quotidienne, tellement elle présente de bienfaits. Elle est très vigoureuse et sera généreuse pour votre assiette.
Sachez que si vous l’approchez doucement, vos risques de vous brûler seront considérablement diminués. En effet, les petits poils urticants présents partout sur la plante peuvent se comparer à de petites aiguilles de verre remplis d’un liquide qui est le responsable de la brûlure. Lorsqu’on s’approche trop brusquement, on casse ainsi l’aiguille et on s’y pique. En y allant doucement, on peut ainsi plutôt « coucher » les poils et profiter sans inconvénients des merveilles de l’ortie.
Cueillez les jeunes plants en entier ou, sur les plants plus matures, les feuilles ou les sommités.
Toutes parties : On peut les consommer crues, cuites ou séchées. Cuire ou sécher annulera l’effet urticant. Pour consommation crue, on peut soit la broyer ou l’écraser, ou encore, pour la préserver plus intégralement, faire une boule de feuilles et les rouler entre ses mains quelques fois (en s’assurant que c’est le dessus de la feuille qui touche nos mains; les poils se trouvent sur le dessous de la feuille).
Faites sécher pour avoir des tisanes tout l’hiver ou encore avoir un ajout de nutriments à vos smoothies, par exemple.
Fraîches, utiliser les feuilles comme des épinards.
Marguerite blanche
La marguerite blanche, bien commune dans notre paysage, peut être une source alimentaire bien intéressante!
Feuilles : Elles sont une verdure intéressante, au goût légèrement poivré. Utilisez-les comme n’importe quelle laitue savoureuse. On pourrait aussi les travailler comme les épinards, en les ajoutant dans omelettes, quiches, etc.
Fleurs : Elles sont entièrement comestibles, à vous de faire vos essais et laisser libre cours à votre imagination (salades, tisanes, desserts, limonade, etc.) Vous pouvez les passer à l’eau ou les sécher à très basse température pour déloger les petits insectes qui y ont élu domicile.
Bouton floral : On peut s’en servir comme légume d’accompagnement (à la manière de petits pois) ou encore, les mariner pour en faire de délicieux câpres.
Les « mauvaises herbes » ou plantes adventices
Une autre manière de profiter de l’abondance du sauvage, c’est aussi de porter attention à ce qui pousse spontanément dans notre parcelle! En reconnaissant ainsi ces plantes que vous pouvez intégrer à votre alimentation, vous vous assurez d’une culture sans chichis.
Pour ma part, depuis que je connais le pourpier gras, je le laisse pousser avec bonheur entre mes rangs… c’est une de mes verdures préférées, que je n’aurais jamais connue si je ne m’étais pas intéressée aux plantes sauvages.
Si le sujet vous intéresse, j’ai consacré un article à certaines plantes adventices intéressantes dans le numéro d’août 2021 – Volume 39 (Numéro no 1). Bonne récoltes et cueillettes!
Références
Livre :
Le Gal, Gérald et Paré-Le Gal, Ariane, Cueillir la forêt, Cardinal, 2022.
Webinaire :
Le Gal, Gérald et Paré-Le Gal, Ariane, Une saison en forêt, 2022.
Les semences d’aujourd’hui sont le fruit du labeur de centaines de générations d’agriculteurs qui ont sélectionné les meilleurs rejetons de leurs récoltes depuis 10 000 ans. Leurs critères étaient : le meilleur goût, les fruits les plus gros… et les plus sucrés, la facilité de récolte et de conditionnement, la résistance aux éléments (sécheresse, humidité excessive, étés frais, etc.) et surtout, la facilité de conservation jusqu’à la prochaine saison de culture.
Aujourd’hui, de grandes compagnies se sont emparées de ces trésors et nous les revendent à bon prix, quand elles ne les font pas disparaître parce qu’elles les jugent trop peu rentables… ou… trop efficaces. Car ces lignées ancestrales, plus résistantes, nécessitent beaucoup moins d’intrants rentables pour le commerce ! Par contre, ce sont souvent ces mêmes compagnies qui nous vendent les engrais chimiques et les pesticides que leurs nouveaux cultivars réclament afin de pousser.
Heureusement, des gens se sont mobilisés pour conserver ces lignées ancestrales de légumes pour l’humanité, gardant leur biodiversité et leur qualité de goût plutôt que leur homogénéité génétique et leur facilité de transport. Ils se sont regroupés dans des organismes comme Kokopeli (Europe), le Programme Semencier du patrimoine (Canada) ou le Seed Savers Exchange (États-Unis).
Aujourd’hui, je vais vous parler de M. John Whitee, originaire du Maine, que le souvenir d’enfance du chaudron de « beans » a poussé à rechercher LA variété de haricot sec qui donnait CE goût : une variété qui n’était plus disponible alors sur le marché.
Né en 1910, M. Whitee a été élevé pendant une récession économique dans la campagne de Gorham, dans le Maine. Comme les temps étaient durs et la famille nombreuse, les haricots étaient un des aliments de base de la maison. Tout jeune, il fut chargé de la cuisson hebdomadaire du chaudron de « beans » servi le samedi soir à la table familiale. De quelle façon ? Le vendredi, il déposait le chaudron (de fonte ?) dans le sable près de la maison, sur un lit de braises de 20 cm, et le recouvrait de sable jusqu’au lendemain. Un délice.
Après une carrière de photographe, M. Whitee achète un grand terrain pour sa retraite et décide de retrouver cette saveur d’enfance. Impossible cependant de retrouver cette variété de haricot, la « Jacob Cattle ». Il part donc à la recherche du haricot mythique car les souvenirs d’enfance n’ont pas de prix. Après cinq ans, il a trouvé plus de 500 variétés « familiales » en voie de disparition. Toutefois, maintenir cette collection lui demandait beaucoup d’efforts. En effet, les semences de haricots ne sont pas éternelles et, pour les garder vivantes, il faut les ressemer de temps à autre. Mais il est seul à la conservation et au jardin en plus de recueillir les recettes et l’histoire de chaque variété. Un travail à plein temps.
Il décide alors de fonder une association sans but lucratif pour la conservation « haricotière » : la « Winigan Associates ». Encore une fois, c’est un succès. En 1980, l’association à réunit 1186 variétés plus ou moins en danger. Mais M. Whitee ne rajeunit pas et il est un peu dépassé par son succès. Il doit alors s’associer à une autre organisation d’échange de semences, la « Seed Savers Exchange », pour qui, c’est en quelque sorte une bougie d’allumage. Elle est devenue depuis la plus grande banque de semences non-gouvernementale des États-Unis avec, entre autres, plus de 1900 variétés d’haricots patrimoniaux à ce jour.
Qui aurait dit que le désir d’une chaudronnée de « beans » aurait sauvé tant de variétés condamnées à disparaître par les grandes compagnies semencières à la recherche du billet vert plutôt qu’à celle du bon goût.
Merci M. Whitee.
Références
Découvrez la vie aventureuse de ce sympathique jardinier au :
https://www.seedsavers.org/withee-exhibit-bean-man
Vous pouvez aussi admirer quelques-unes des différentes variétés multicolores sauvées par M. Whitee au :
https://www.seedsavers.org/withee-exhibit-painted-jewels
Et enfin, vous pouvez vous inspirer de sa fameuse méthode de cuisson dans le sable au :
https://blog.seedsavers.org/blog/john-withees-bean-hole
Combien de fois me suis-je retrouvée dans ce magnifique jardin après une longue et parfois exténuante journée de travail. Certainement des centaines de fois depuis toutes ces années. J’ai beau faire du yoga, il y a de ces journées où le stress me gagne. Et, comme par miracle, chaque fois que je franchis la clôture du jardin, la magie opère. Heureusement, le stress ne passe jamais le portail du Tourne-Sol.
C’est sans les soucis quotidiens que je plonge dans mon jardin, accroupie à travers tout ce qui y pousse, pour passer quelques minutes ou quelques heures, tout dépend. Le temps s’arrête, à mon plus grand bonheur. Les oiseaux ne se laissent pas prier pour agrémenter mon passage. Ils rivalisent d’ardeur pour me faire apprécier leur présence. Enfin, les multiples bruits de la ville s’estompent pour laisser place à l’enchantement. Me voilà ravie !
Dans les années passées, alors que des ennuis de santé me sont tombés dessus sans crier gare, cet îlot de verdure m’a souvent servi de refuge. Quand on est éclopée, physiquement ou mentalement, quoi de mieux que le joli banc des amoureux, tout à côté de l’étang, pour panser ses blessures. Les magnifiques nymphéas me font des clins d’œil, comme pour me dire qu’il y a du beau partout où l’on veut bien en voir. Perdue dans mes pensées, parfois plongée dans un livre, la guérison n’est pas bien loin. Lâcher prise et s’abandonner. Se laisser envahir par les ondes positives de cet espace précieux. Laisser le bon temps rouler…